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1.3 Dix problématiques de développement durable

A première vue, les dix questions de développement énumérées au premier chapitre ne sont pas toutes pertinentes pour évaluer si la Belgique est dans la voie d'un développement durable. Le développement durable est plus souvent étudié en rapport avec l'environnement et les générations futures, les changements climatiques et la perte de diversité biologique... qu'avec les technologies de l'information, le tabac, le financement des entreprises et la santé sur les lieux de travail. Ces dix questions sont pourtant toutes reliées aux enjeux d'un développement durable de deux façons au moins:

C'est pourquoi elles sont appelées dans ce rapport problématiques de développement durable.

Objectifs ultimes et conflits d'objectifs

L'étude de ces dix problématiques peut contribuer à guider la réalisation progressive des objectifs ultimes mentionnés dans le Plan (voir 1.2.2). Ces objectifs concernent la satisfaction des besoins et la priorité à accorder aux besoins essentiels des plus démunis tant pour les générations actuelles que futures. Ils concernent aussi le respect des limites des ressources non renouvelables. La présentation des dix problématiques faite dans ce chapitre mettra l'accent sur les "arbitrages à faire, voire les conflits à court terme entre les objectifs sociaux, environnementaux et économiques d'un développement durable" (pfdd § 67).

Champ d'application des principes

Pour chacune de ces dix problématiques, l'application des cinq principes de développement durable rappelés au chapitre 1.2.2 permet de prendre des décisions répondant aux problèmes posés et exploitant les opportunités existantes. Ces principes balisent les voies que peut emprunter une société pour bâtir un développement durable. Ils font partie d'un plus large ensemble de principes qui ont été adoptés par la communauté internationale dans la Déclaration de Rio. Les réponses des politiques publiques seront donc systématiquement confrontées à ces cinq principes tout au long du rapport. Cela permettra de voir si, et comment, elles contribuent à réaliser les objectifs rappelés ci-dessus en étant gérées selon les principes suivants:

C'est pourquoi chacune de ces dix problématiques du rapport fait ici l'objet d'une présentation selon la structure suivante.

1.3.1 Stratégies de production des entreprises

Définition

Les perspectives de croissance dans les pays industrialisés, l'augmentation attendue de la population dans les pays en développement et leur adoption progressive des modes de consommation et de production occidentaux1 indiquent que la demande mondiale de biens et services va continuer à croître. Cette augmentation attendue de la demande mondiale risque d'être couplée à la croissance des pressions exercées sur l'environnement. Actuellement, les stratégies de production se souciant de l'environnement sont essentiellement basées sur le concept d'éco-efficacité, ce qui signifie qu'elles cherchent à réduire les impacts environnementaux par unité produite au cours du cycle de vie des produits. Elles cherchent aussi à répondre à la demande en augmentant les quantités produites et en améliorant les caractéristiques des produits. Les effets de cette augmentation en volume de la production annulent, pour certains polluants, les gains réalisés en matière d'éco-efficacité (voir Exemple de conflits). Sans nier l'importance de ce type de stratégies, d'autres stratégies se développent qui visent à éviter cet effet d'annulation. La stratégie d'utilité finale (sufficiency strategy en anglais) poursuit cet objectif. Elle consiste à repenser la réponse à apporter aux besoins des êtres humains et à vendre, dans cette nouvelle optique, la performance (la fonction) d'un produit en lieu et place du produit lui-même. Il s'agit par exemple de vendre la performance "nettoyage", avec un contrat de service, au lieu de vendre individuellement la machine et les produits détergents qui permettent de nettoyer. L'attention est ici centrée sur le besoin à satisfaire avant de se porter sur le produit et son processus de production. L'augmentation de la demande à laquelle répond ce type de stratégie devrait être satisfaite principalement via des services et une production matérielle plus limitée. Étant donné cette moindre croissance de la production matérielle, les gains réalisés en matière d'éco-efficacité ne devraient pas être entièrement annulés par l'augmentation de la demande2.

Exemple de conflits

Actuellement l'augmentation de la valeur ajoutée produite par les entreprises contribue dans une certaine mesure à la qualité de la vie mais elle s'accompagne d'une croissance, voire d'une accélération des pressions sur l'environnement qui met en danger la résilience de l'environnement. Pour résoudre le conflit d'objectifs entre maximisation de la production de l'entreprise, satisfaction des besoins et respect des limites environnementales, il faut notamment opérer un découplage entre croissance économique et pressions exercées sur l'environnement grâce au développement de stratégies intégrées. Au niveau mondial, les entreprises situées dans les pays industrialisés ont tendance à se concentrer sur la conception des produits et la "recherche et développement" tout en délocalisant les activités vers les pays disposant d'un potentiel de main d'œuvre bon marché et dont les normes environnementales sont moins exigeantes. De telles pratiques privilégient les objectifs de rentabilité de l'entreprise au détriment des objectifs sociaux et environnementaux d'un développement durable des pays qui accueillent ces activités. Elles n'apportent pas non plus de solutions aux conflits rencontrés dans les pays que ces activités quittent.

Exemple de principes de développement durable

Principe d'intégration: ce principe suppose l'adoption d'une approche verticale partant de l'extraction des matières premières, passant par l'utilisation de main d'œuvre et le développement de connaissances nécessaires pour la fabrication du produit, se poursuivant par la distribution et se terminant par l'élimination du produit par les consommateurs et le traitement des déchets. Cette approche est à la base d'une politique intégrée de produits (voir partie 3). Elle exige notamment un dialogue entre les différents services (marketing, production, finance, distribution etc.) responsables du produit à chaque phase de son cycle de vie. Dans cette optique, une meilleure coordination et intégration entre les différentes compétences et expertises présentes au sein de l'entreprise doit être mise en place de même que des mécanismes impliquant la collaboration effective des employés3. La stratégie d'utilité finale va encore plus loin dans cette exigence d'intégration, puisqu'elle fait appel à la fois aux compétences relatives à la composante sociale pour l'identification des besoins de la population, au potentiel de changement de comportement des producteurs et des consommateurs et au know-how économique et technologique permettant de transformer un produit en un service et d'améliorer ainsi ses qualités environnementales.

1.3.2 Financement éthique des entreprises

Définition

Les produits financiers éthiques sont des produits financiers proposés par certains intermédiaires financiers aux épargnants. Ces intermédiaires financiers récoltent leurs capitaux et les utilisent pour financer des projets ou des prêts à des entreprises en tenant compte de certains critères éthiques. Les "placements éthiques" servent donc à financer des projets ou des entreprises satisfaisant simultanément à des critères sociaux (emploi, relation avec la communauté locale, relation avec les pays en voie de développement, risques pour la santé, etc.), environnementaux (pollution de l'air, pollution de l'eau, etc.) ainsi qu'à des critères financiers classiques de rendement et de risque. Ces produits financiers permettent ainsi sur une base volontaire d'inciter les entreprises à mieux respecter les ressources humaines et environnementales et de sensibiliser les épargnants au développement durable.

Deux catégories de produits financiers éthiques doivent être distinguées: les produits solidaires et les fonds de placement éthiques. Les produits solidaires sont des produits d'épargne qui permettent de financer des projets à plus-value sociale. Les fonds de placement éthiques permettent quant à eux de financer, via l'achat de titres, des entreprises cotées en bourse qui respectent certains critères éthiques. Il existe toute une gamme de fonds de placement éthiques qui tiennent compte de critères, pouvant aller d'un extrême à l'autre. Les uns se basent uniquement sur des critères négatifs puisqu'ils excluent des entreprises sur la base de certains principes, ou selon un ensemble limité de critères positifs, les autres se basent sur des critères très larges, déterminés en partenariat avec l'entreprise et les parties prenantes et dont le respect est systématiquement contrôlé par une organisation indépendante.

Mais toute éthique n'est pas nécessairement une éthique de développement durable et tout critère éthique n'est donc pas nécessairement orienté vers la réalisation d'un développement durable. La question suivante reste donc posée: comment garantir que ces fonds éthiques reposant sur des critères très différents les uns des autres contribuent à un développement durable ?. Des politiques et des mesures adéquates pourraient vraisemblablement inciter les épargnants à intégrer des critères à la fois sociaux, environnementaux et économiques dans leurs choix de placement. Elles pourraient également inciter les entreprises à orienter leurs activités vers un développement durable via une demande pour des produits financiers éthiques4.

Exemple de conflits

Les choix de placement de la plupart des épargnants sont principalement guidés par les rendements et les risques financiers afin de maximiser leurs revenus. Ils ne connaissent généralement pas les entreprises qui bénéficient des capitaux qu'ils ont placés et ils s'intéressent généralement peu à leurs qualités sociales et environnementales. De plus, ils cherchent à maximiser leurs gains à court terme et ne sont pas toujours prêts à attendre les gains potentiels à long terme d'une stratégie de développement durable qu'entreprendrait l'entreprise financée. De telles stratégies impliquent en effet souvent des investissements coûteux à court terme (par exemple: importants efforts de recherche et développement pour promouvoir des produits plus respectueux de l'environnement), qui pourraient avoir dans un premier temps des répercussions négatives sur la rentabilité du placement financier de l'épargnant, ce qui suggère la présence d'un conflit entre intérêt individuel et éthique collective. Toutefois, s'il est vrai qu'au début du développement des produits de placement éthiques ceux-ci offraient des rendements inférieurs à la moyenne du marché, des études récentes montrent qu'actuellement les rendements offerts par ces placements ne sont pas inférieurs aux moyennes observées sur les marchés5. Malgré le risque actuellement plus élevé des placements éthiques, leurs bonnes performances en matière de rendement supprime un frein de taille à l'investissement dans ces produits et montre que la rentabilité financière n'est pas incompatible avec la prise en compte de critères sociaux et environnementaux dans la gestion d'une entreprise.

Exemple de principes de développement durable

Principe de responsabilité: les marchés des capitaux ayant actuellement une dimension mondiale, le développement de produits financiers éthiques peut avoir des répercussions positives sur les activités d'entreprises situées tant en Belgique qu'à l'autre bout de la planète. Comme l'aide octroyée aux pays en développement provient actuellement majoritairement de flux de capitaux privés, et dans une moindre importance de prêts bilatéraux et/ou multilatéraux, une plus grande transparence dans l'affectation de ces capitaux privés pourrait servir de levier à un développement durable dans ces pays. Les décideurs devraient donc inciter les épargnants à s'intéresser aussi aux qualités sociales et environnementales des entreprises dans leurs choix de placement, tant dans leur propre pays qu'à l'étranger.

Principe d'équité: le marché des actions est essentiellement influencé par les perspectives de profit à court terme. Or, ce marché sert à financer des projets à longue durée de vie qui produiront leurs effets sur plusieurs années, voire décennies ou siècles. Une analyse de leurs impacts potentiels (économiques, sociaux ou environnementaux), à moyen et long terme doit donc recevoir plus d'attention que ce n'est le cas actuellement. Un contexte international favorisant les stratégies de développement durable dans les entreprises pourrait donc faire en sorte que les acteurs financiers assument leurs responsabilités par rapport aux orientations du développement mais aussi que le risque financier associé à ces investissements soit moins élevé que pour d'autres investissements ne favorisant pas un développement durable.

1.3.3 Économie sociale

Définition

L'économie sociale est un secteur d'économie autonome et privée qui crée des emplois répondant aux besoins des exclus du marché du travail et qui s'emploie à satisfaire les besoins auxquels ni les pouvoirs publics ni le marché ne répondent. Il lui arrive de faire des profits, saisissant cette opportunité d'un autofinancement partiel mais tel n'est pas son principal objectif. L'économie sociale met aussi l'accent sur l'appartenance à une communauté, sur des formes de gestion démocratiques et autonomes et sur la prééminence des personnes et du facteur travail sur le capital dans la répartition des bénéfices. Ces caractéristiques de l'économie sociale n'excluent pas une coopération avec les pouvoirs publics ou d'autres acteurs privés. En Belgique, deux modes de travail se sont profilés dans l'économie sociale:

Exemple de conflits

L'apparition de l'économie sociale a été favorisée par une série de facteurs caractérisant la composante sociale du développement: le vieillissement de la population (avec une augmentation des dépenses de sécurité sociale et une plus grande demande de services spécifiques), la généralisation du modèle de ménage à double revenu (avec diverses conséquences pour la combinaison ménage/travail) et le taux d'emploi global peu élevé. Ces facteurs concourent à un changement culturel dans lequel il est de plus en plus reconnu qu'un travail rémunéré selon d'autres normes que celles du marché peut créer des plus-values pour la société. Cette reconnaissance favorise l'émergence de projets d'économie sociale. Mais les objectifs de l'économie sociale qui visent à augmenter la participation au monde du travail d'une série de personnes défavorisées peuvent entrer en conflit avec l'objectif d'une amélioration de l'efficacité économique via l'amélioration de la productivité du travail.

Exemple de principes de développement durable

Principe de participation: les organisations de l'économie sociale sont idéalement placées pour enrichir le dialogue avec les pouvoirs publics, d'autres organisations et avec les citoyens eux-mêmes. Leur expérience concrète à propos de l'apparition de nouveaux besoins sociaux et l'exclusion de certaines catégories sociales leur a donné des connaissances qui sont de précieux apports dans la préparation des politiques publiques dans ces domaines. Ces connaissances sont d'autant plus nécessaires au calibrage de ces politiques que c'est à long terme que s'observent les impacts de telles politiques sur le capital humain. Elles peuvent aider à l'identification de groupes cibles particuliers et de besoins sociaux nouveaux ou latents.

Principe d'intégration: ces politiques doivent veiller à favoriser la contribution de l'économie sociale à l'équité écologique et à la création de plus-values pour le capital environnemental. Sans ces politiques, les conflits d'objectifs relevés plus haut entre efficacité économique, équité sociale, voire même protection de l'environnement, ne seront pas résolus spontanément. Pour répondre à ce défi, la participation des acteurs de terrain peut aider les autorités à saisir et définir les opportunités, tout en résolvant les problèmes posés6.

1.3.4 Utilisation des technologies de l'information et de la communication

Définition

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (tic) renvoient ici à l'ensemble des technologies informatiques, de télécommunication, d'applications de l'électronique et des médias qui permettent à l'utilisateur de communiquer et de s'informer (par exemple via Internet). Les domaines d'application et les possibilités des tic sont très diverses et les innovations apparaissent à un rythme élevé. Les tic, en permettant un accès à plus d'information, plus rapidement, peuvent favoriser des processus de production plus efficients, l'amélioration du bien-être individuel et de la société et des comportements plus conscients de l'environnement, et la gestion de l'environnement. Les tic peuvent aussi aider à rendre la prestation de services du gouvernement plus transparente et plus accessible dans de nombreux domaines. Elles peuvent, de plus, accroître les possibilités de participation des individus et des groupes sociaux à la recherche de solutions pour les problèmes sociétaux actuels.

Dans la société dite "de la connaissance", les tic font partie du mode de vie habituel, ce qui est appelé "digitalisation du mode de vie". Tous leurs utilisateurs actuels ont intérêt à ce qu'il y ait un nombre aussi élevé que possible de nouveaux utilisateurs. Il existe cependant une "fracture numérique", c'est-à-dire qu'une partie de la population mondiale n'a pas ou peu accès à cette technologie. De tous les utilisateurs d'Internet, 65,3% se trouvent en Europe et aux États-Unis. Mais à l'intérieur de l'ue aussi, il existe des inégalités au niveau des utilisateurs. Les femmes, les personnes ayant de petits revenus et les plus âgées utilisent moins souvent Internet que les personnes qui s'intègrent mieux au marché du travail et les cadres. Le budget disponible constitue le facteur explicatif principal de la diffusion de ces innovations au sein des différents groupes démographiques, le second facteur étant les connaissances nécessaires à la maîtrise de ces technologies. Pour ces raisons, la fracture numérique suit les mêmes lignes de rupture que celles qui séparent les pays industrialisés des pays en développement et qui séparent les catégories sociales suivant les inégalités déjà connues.

Exemple de conflits

Que ce soit au sein d'un même pays ou au niveau mondial, et comme c'est le cas pour toute nouvelle technologie, la diffusion des tic aboutira à une réallocation du facteur travail. Les vieilles industries seront restructurées, ce qui mènera à des pertes d'emploi dans certaines régions tandis que dans d'autres secteurs ou régions la demande de travailleurs hautement qualifiés en tic, notamment dans les services, augmentera. Sans système adéquat de protection sociale, un conflit peut survenir entre les conséquences négatives en liaison avec la redistribution du facteur travail et les avantages déjà décrits ici de l'utilisation des tic.

Les tic n'influencent pas seulement les processus de production économiques. Il y a risque de conflit entre, d'une part, l'importance accordée aux objectifs de pénétration rapide des tic et, d'autre part, la mesure dans laquelle certaines catégories sociales ou certains pays ont accès à ces nouveautés en matière de tic et peuvent suivre. Il y a un risque que la fracture numérique devienne un cercle vicieux renforçant les inégalités sociales existant déjà. Cela est dû au fait que certaines catégories (par exemple les personnes dont le niveau de formation est peu élevé) ou certains pays (par exemple les pays en développement) n'ont pas ou peu d'accès aux tic. Combinée à la vitesse à laquelle les nouveautés en matière de tic se suivent et définissent de plus en plus notre mode de vie, cette situation représente un désavantage comparatif pour s'approprier les technologies, pour être au courant des nouveautés en matière de tic et pour profiter des avantages qu'ils apportent. Inversement les personnes ayant un niveau de formation élevé et les pays développés ont un avantage comparatif en cette matière.

Exemple de principes de développement durable

Principe de participation: les tic permettent à chacun (citoyens, groupes sociaux, pouvoirs publics et partenaires privés), disposant des connaissances et du matériel nécessaires, de s'informer sur la situation globale de la Terre et d'entreprendre des actions locales afin d'améliorer le bien-être général et individuel.

Principe de responsabilité: les tic peuvent aussi contribuer au "leapfrogging", ce qui signifie qu'elles pourraient offrir au développement de tous les pays utilisateurs la possibilité d'avoir directement et rapidement accès aux données, à l'information et aux techniques les plus modernes en sautant "au-dessus" de certains investissements coûteux, notamment de recherche, relatifs à ces technologies. Mais pour assumer cette responsabilité globale, les décideurs ont à gérer les lignes de ruptures relatives aux tic en appliquant les principes de développement durable pour les supprimer.

1.3.5 Pêche et diversité biologique en milieu marin

Définition

La diversité biologique (ou biodiversité) est définie comme la variété et la variabilité des gènes, des espèces, des populations et des écosystèmes. Sa préservation fait partie des objectifs d'un développement durable. Beaucoup de produits et de services essentiels offerts par notre planète en dépendent. La dégradation de cette biodiversité, qui est en cours, est essentiellement la conséquence de l'activité humaine. Elle se manifeste par des disparitions d'espèces, un appauvrissement du patrimoine génétique et un appauvrissement des écosystèmes. Depuis quelques années, un plafonnement des prises de poisson à l'échelle mondiale est constaté. Trois-quarts des pêcheries marines sont surexploitées ou proches de l'être, ce qui se traduit par des stocks de poisson fortement diminués ou sortant lentement d'un état d'effondrement. Les disparitions d'espèces ont un caractère irréversible et sont donc susceptibles de priver les générations actuelles et futures de ressources importantes, qu'elles soient connues ou inconnues à ce jour. Les appauvrissements du patrimoine génétique et des écosystèmes sont susceptibles de diminuer les possibilités d'adaptations et la résilience des écosystèmes culturaux et sauvages. Cette évolution peut mettre gravement en péril le développement humain. Les menaces auxquelles est exposée la biodiversité en milieu marin en sont un exemple. Elle est menacée, entre autres, par la surexploitation des ressources de pêche. Les impacts de telles pratiques peuvent directement ou indirectement modifier le rôle du milieu marin. Or ce milieu joue un rôle essentiel dans le système écologique permettant la vie sur Terre (rôle dans les flux biogéochimiques globaux, rôle dans les mécanismes climatiques).

Exemple de conflits

Il y a manifestement conflit d'objectifs entre les impacts décrits ci-dessus dans l'énoncé de la problématique et la réalisation des grandes potentialités que présente ce système pour un développement durable. Cette question fait partie du débat sur les besoins de base d'une population mondiale en croissance face aux problèmes posés par des ressources naturelles limitées. Tant la surpêche que les disparitions d'espèces sont le résultat de mécanismes mettant en œuvre des contradictions entre les objectifs à court terme des composantes sociale, environnementale, économique et institutionnelle du développement. Ces évolutions peuvent, dans certains cas, être largement endogènes à l'une de ces composantes (c'est par exemple, le cas d'une pollution environnementale entraînant la disparition de une ou de plusieurs espèces). Mais dans le cas le plus fréquent, il y a interaction entre ces composantes (par exemple, lorsque des incitants économiques encouragent des pratiques qui sont à la fois non respectueuses de l'environnement et déstructurantes pour le tissu social des communautés indigènes).

Exemple de principes de développement durable

Principe d'intégration: l'importance des liens qui existent entre les composantes économique, sociale, environnementale et institutionnelle rend inopérante, voire nuisible, toute approche qui ne les prendrait pas en compte de manière conjointe. Les mesures à concevoir pour combattre la surpêche doivent en effet considérer les implications sociales, environnementales et économiques des modifications envisagées dans la conduite des activités de pêche.

Principe de responsabilité: ces mesures doivent aussi être conçues avec une évaluation de leurs impacts sur l'ensemble de la planète dans la mesure où une bonne partie des ressources de pêche ne respectent pas les délimitations des eaux territoriales ou des zones économiques exclusives (stocks migrateurs et chevauchants). Il est aussi indispensable que les systèmes de gestion de pêche, qu'ils soient nouveaux ou qu'ils découlent de systèmes existants, puissent être appliqués de manière cohérente et coordonnée sans être compartimentés par les limites territoriales des États. En ce qui concerne la politique européenne commune de la pêche, une prise en compte du critère de responsabilité globale permettrait de répondre au problème de l'adéquation de la capacité de pêche et des stocks de poissons dans les eaux européennes aux ressources de pêche de pays tiers. Une politique plus responsable de la part de l'Union européenne éviterait d'avoir, comme c'est le cas actuellement, un rôle déstructurant pour les économies côtières de ces États. Cette évaluation doit aussi porter sur le long terme. Le souci de rentabiliser à court terme les investissements consentis, en particulier au travers des régimes de subsidiation du secteur, ne peut pas être invoqué comme raison pour postposer la nécessaire refonte du mode actuel de gestion des pêches, que ce soit à l'échelle mondiale ou à l'échelle européenne.

1.3.6 Utilisation des plantes génétiquement modifiées

Définition

A son apparition dans les années '70, la biologie moléculaire fut perçue comme porteuse de possibilités importantes pour s'attaquer aux grands problèmes du développement. Parmi les objectifs annoncés des biotechnologies figuraient l'amélioration des soins de santé, l'augmentation de la productivité agricole, l'utilisation d'une énergie moins polluante et la protection de l'environnement. Les biotechniques offrent donc des opportunités qui, gérées selon des principes de développement durable, peuvent servir de base à un tel développement. Les plantes génétiquement modifiées font partie des "organismes vivants modifiés" (ovm) définis comme "tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique7 inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne"8. Un organisme transgénique est un organisme obtenu par l'insertion d'un matériel génétique étranger à l'organisme de départ (par exemple le maïs obtenu par l'insertion d'un gène provenant d'une bactérie). La biotechnologie se distingue en effet des méthodes classiques de sélection utilisées depuis longtemps en agriculture. Les méthodes dites classiques recourent à des méthodes telles que le croisement de plantes pour produire des variétés disposant de propriétés particulières jugées intéressantes et qui peuvent être transmises aux générations ultérieures. Ces méthodes ne permettent pas, à l'inverse des biotechnologies modernes, de transférer un gène entre des espèces éloignées, pas plus qu'elles ne permettent le transfert d'un seul caractère à la fois.

Exemple de conflits

De meilleurs rendements agricoles, la résistance aux virus, à la sécheresse... sont souvent présentées comme des opportunités liées au recours aux ogm en agriculture. Ces qualités seraient susceptibles d'améliorer la satisfaction des besoins de base d'une population mondiale en croissance sans épuiser inutilement des ressources naturelles limitées et sans poursuivre la dégradation de l'environnement. Les ogm offriraient des perspectives pour établir un équilibre entre les besoins de développement et de conservation de l'environnement. Le recours à ces organismes serait donc porteur de solutions pour les problèmes actuels et pour ceux des générations futures.

Mais les impacts de la biotechnologie moderne sur la santé, ses incidences sociales, environnementales et économiques font l'objet de préoccupations importantes, y compris dans les milieux scientifiques. Ils sont aussi le sujet de débats importants sur le plan éthique. Ces préoccupations se concentrent habituellement sur les risques directs pour la santé humaine. Les autres impacts des ogm tant sur l'environnement que sur le développement reçoivent moins d'attention. Pourtant les risques écologiques peuvent être irréversibles. De même, la généralisation de ces techniques pourrait entraîner des modifications importantes du développement social ou économique dont l'appréciation doit être prise en compte dans les choix collectifs relatifs à l'adoption de ces technologies. Les débats actuels sur le recours aux biotechnologies, notamment en ce qui concerne leur utilisation à des fins agricoles, mettent donc surtout en évidence deux de leurs aspects:

Ces deux dynamiques opposées sont souvent nourries de considérations irrationnelles. Ces débats font en effet apparaître les importantes carences en connaissances qui permettraient de fonder les choix sur une évaluation correcte des risques éventuels et des avantages potentiels. La variété et la complexité des enjeux y sont donc mal prises en compte.

Exemple de principes de développement durable

Principe de précaution: une perspective de développement durable mettra particulièrement l'accent sur les précautions à prendre face aux incertitudes scientifiques. Si certains dangers environnementaux découlant de la mise en culture de plantes transgéniques ne sont pas contestables, il reste en effet très difficile, voire impossible, d'évaluer leur probabilité et donc d'objectiver les risques. La méconnaissance du fonctionnement des écosystèmes handicape les évaluations des bénéfices et des risques potentiels associés à l'utilisation de plantes génétiquement modifiées. La capacité actuelle de prévision des impacts écologiques, économiques et sociaux (surtout à long terme) de l'utilisation des plantes génétiquement modifiées est donc imprécise et basée sur des données limitées, y compris par exemple celles relatives à la répartition du pouvoir.

Principe de participation: les changements liés au développement de ces technologies concernent en effet l'influence du secteur privé sur la décision politique (concentration de la connaissance et de l'expertise au sein de quelques entreprises), les relations entre les différents groupes sociaux et entre les classes sociales, entre les petites et les grandes compagnies (agricoles) et, à ne pas oublier, entre les pays en développement et les pays industrialisés. Une participation tenant compte des préoccupations sociales, environnementales et économiques est donc nécessaire pour pouvoir fonder les choix de société.

1.3.7 Production et consommation d'énergie

Définition

L'énergie est un facteur clé du développement social et économique. Elle répond tant à une série de besoins humains essentiels qu'à la demande liée à l'adoption des modes de vie dits "occidentaux" (qualité de vie, confort matériel...) auxquels la plupart des populations de la planète aspirent à accéder. Mais sous ses aspects de ressource rare, de source de nuisances et de pollution, l'énergie est à l'origine de pressions sur l'environnement, par exemple par les émissions de co2, les pluies acides et les déchets nucléaires. La généralisation des modes de production et de consommation occidentaux combinée à la croissance démographique contribuerait donc non seulement à raréfier certaines ressources énergétiques non renouvelables mais aussi à faire pression sur les capacités d'absorption d'une série de systèmes écologiques. La production d'énergie à partir de sources renouvelables telles le soleil, le vent, l'eau et la biomasse peut remplacer en partie la production d'énergie à partir de carburants fossiles et nucléaires et contribuer à une réduction des pressions correspondantes sur l'environnement.

Exemple de conflits

Le mode de développement des pays industrialisés est associé à une consommation d'énergie élevée, dont l'impact économique à court et moyen terme s'est, jusqu'ici, avéré positif. Il a notamment permis la croissance de la production et de l'emploi dont l'effet social fut largement positif, via l'élévation du niveau de vie d'une grande partie de la population et l'accroissement du confort matériel. Cependant son impact écologique est en grande partie négatif (pollution de l'air, pollution nucléaire, marées noires...), ce qui peut aussi être le cas de la consommation d'énergie renouvelable domestique (l'usage de foyers ouverts pour la cuisine et le chauffage a des effets négatifs sur l'environnement et la santé). Il y a donc clairement, surtout pour les pays industrialisés, un conflit entre objectifs environnementaux et socio-économiques. Ce conflit est d'autant plus difficile à résoudre qu'une solution pouvant être considérée comme équilibrée à court terme ne le sera pas nécessairement à long terme. En effet les impacts écologiques les plus néfastes de la consommation énergétique élevée seront subis par les générations futures alors que les mesures de précaution sont perçues comme une restriction de la qualité de vie pour une partie des générations actuelles. Les changements climatiques, les risques de pollution par les déchets nucléaires... et leur cortège de conséquences à long terme sur la perturbation des écosystèmes peuvent avoir des impacts sociaux et économiques, comme la perte de logement (réfugiés environnementaux) et la fragilisation des conditions de vie, surtout des plus démunis.

Exemple de principes de développement durable

Principe d'équité: les principaux impacts des modes de production et de consommation d'énergie actuels (liés à la gestion des déchets nucléaires et au réchauffement climatique) posent surtout des problèmes à long terme. Les générations présentes font peser un risque sur le bien-être des générations à venir en reportant sur elles la gestion des déchets et des effets des émissions de co2 liés à leur consommation actuelle d'énergie. La résilience écologique est donc à prendre en compte au moins autant que les critères de décision économiques et sociaux dans les décisions d'investissements et de régulation relatifs à l'énergie, car ces décisions engagent l'avenir.

Principe de responsabilité: ce sont naturellement les pays bénéficiaires de cette industrialisation qui consomment le plus d'énergie non renouvelable par tête. Et dans chaque pays, ce sont les ménages les plus aisés qui en consomment le plus. La concentration de gaz à effet de serre (voir 2.3.1) menace la stabilité climatique partout dans le monde. Or l'instabilité climatique est particulièrement dommageable aux pays dont la plus grande partie des terres est quasi au niveau de la mer et soumis aux intempéries, pays dont la majorité a une population pauvre sans accès aux moyens lui permettent de se protéger.

1.3.8 Mobilité et transport des personnes

Définition

La possibilité de se déplacer à sa guise est généralement considérée comme positive pour le bien-être. Jamais la mobilité des personnes n'a été aussi élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Tant le nombre que la longueur des déplacements individuels ne cessent de croître (voir 2.2.2). Les individus ont en effet un choix de destinations possibles de plus en plus large, qui leur permettent d'accéder à des biens, des services, des relations humaines... Les modes de déplacements individuels les plus confortables (comme la voiture individuelle) et les plus valorisés en société (par la publicité, notamment) se sont implantés au détriment des moins polluants (comme les transports en commun) et des plus sains (comme le vélo ou la marche). La voiture et l'avion contribuent tout particulièrement aux problèmes de pollution locaux et globaux liés à la consommation d'énergie. Certains de ces polluants affectant la qualité de la vie locale (pics d'ozone) sont en diminution (so2) ou font l'objet d'interventions précises pour les maîtriser. Mais d'autres, en augmentation très rapide (co2), ont un impact planétaire et à long terme.

Exemple de conflits

Le mode de développement actuel de la mobilité contribue à la problématique de l'ensemble de la consommation d'énergie. Quoique répondant à une série de besoins actuels, il participe à l'accumulation d'une dette environnementale et sociale croissante à l'égard de ceux qui en subissent et subiront l'impact. L'évolution de la technologie prévisible à court ou moyen terme ne suffira pas à inverser cette tendance. La généralisation de l'usage de la voiture entre aussi en conflit avec des objectifs sociaux. En effet, outre le problème croissant des congestions, auquel sont plus sensibles les automobilistes, le problème de l'accessibilité de nombreux biens et services, voire même de fonctions sociales (emploi) se pose plus fréquemment pour les individus ne possédant pas de voiture9. C'est le cas des personnes les plus fragiles (jeunes, personnes âgées, personnes à mobilité réduite...) ou à faibles revenus. De plus, la mobilité motorisée a entraîné un affaiblissement des liens sociaux de voisinage, occasionnant de nouvelles formes d'exclusion des personnes moins mobiles. Enfin, la mobilité en voiture occasionne non seulement des problèmes de congestion mais aussi, particulièrement en Belgique, un nombre de victime très important (1 500 tués par an et quelques dizaines de milliers de blessés). L'évolution du nombre des victimes d'accidents montre aussi une importante tendance à la hausse liée à la croissance (observée et prévue) du trafic aérien.

L'objectif de réduction des impacts sociaux du transport des personnes et de la dette léguée aux générations futures entre donc ici en conflit avec celui de maximisation du bien-être d'une partie des individus aujourd'hui. Et la question particulière est posée de savoir dans quelle mesure cette mobilité peut être limitée pour réduire ces impacts et cette dette.

Exemple de principes de développement durable

Principe de participation: la solution du conflit entre les aspects positifs et négatifs des transports ne peut pas être trouvée exclusivement par voie scientifique ou technologique. Il s'agit d'une question fondamentalement politique impliquant des arbitrages entre les personnes concernées notamment pour déterminer les investissements à faire dans le cadre d'un meilleur aménagement du territoire ou d'une amélioration des modes de déplacements. Une politique cohérente et stable de transport des personnes nécessite donc une forte participation des populations concernées, tant pour l'élaboration de la stratégie à adopter que pour sa mise en œuvre.

Principe d'intégration: la stratégie de remplacement d'un déplacement en voiture par un service (stratégie d'utilité finale) pourrait, en théorie, infléchir la tendance. Mais une telle stratégie se heurte à des valeurs favorables à la mobilité "motorisée" bien ancrées dans la société et à certaines représentations sociales des transports. Appliquer le principe d'intégration à la prise de décision en matière de transports demande donc de repenser globalement la place que peut occuper cette activité dans la société.

1.3.9 Santé au travail

Définition

La "santé environnementale" est un nouveau concept créé pour pouvoir tenir compte du fait que la dégradation de l'environnement est responsable du quart des maladies survenant dans le monde. Ces maladies auraient pu être largement évitées grâce à des actions de prévention. L'un des exemples de santé environnementale quelque peu documentés est celui de la santé au travail. Les pathologies liées à la pollution de l'air sur les lieux du travail illustrent les relations complexes existant entre santé, production et consommation. Ses effets sur la santé des travailleurs sont liés à la fois aux processus de production et aux moyens de prévention et de protection utilisés. Certains produits sont utilisés alors que leurs effets sur la santé ne sont pas encore connus. Dans certains cas, ces effets sont connus sur le plan scientifique, mais ils sont ignorés des travailleurs exposés.

Exemple de conflits

Lorsque les dangers sont connus et que des technologies ou des produits alternatifs existent, la protection des travailleurs dépend encore de la volonté des employeurs de les mettre en œuvre et de la capacité des gouvernements à établir et faire respecter des normes. Mais la perception de cette problématique et les conflits d'intérêts en jeu sont différents selon les acteurs.

Des problèmes d'arbitrage entre objectifs sont donc posés, qui sont d'autant plus sensibles que les milieux les plus démunis sont plus durement touchés par cette question que les milieux aisés.

Exemple de principes de développement durable

Principe d'équité: l'amélioration des conditions de travail est un investissement à long et très long terme. Les effets de l'exposition à certaines substances se font en effet sentir 40 ans plus tard, les problèmes de santé des parents sont des freins au développement des enfants. Quant aux enfants utilisés sur le marché du travail dans les pays en développement, exposés durant leur croissance aux pollutions de l'air sur les lieux de ce travail, la dégradation de leur état de santé compromet à la fois le développement de leur propre génération et de celles qui suivent. A long terme, dans les pays dont les travailleurs sont mal ou pas protégés, un grand nombre de personnes malades constitue d'ailleurs un handicap pour l'ensemble de la collectivité.

Principe de précaution: ce principe demande que les produits dont les dangers ne sont pas encore connus ne soient pas utilisés ou ne le soient qu'en utilisant des moyens de protection. La précaution face aux incertitudes implique aussi l'amélioration de l'information des travailleurs (sur les dangers et sur les moyens de les éviter ou de les réduire) et des industriels (sur les bénéfices des investissements favorables à la santé des travailleurs). Du côté des pouvoirs publics, peuvent également y contribuer des aides à l'investissement dans des technologies plus sûres du point de vue des conditions de travail ainsi que des mesures de compensation équitables pour les travailleurs qui tombent malades.

Principe de participation: le risque existe que les problèmes de santé des travailleurs soient exportés vers des pays où les syndicats étant plus faibles, l'information des travailleurs moins bonne et les droits sociaux moins respectés, les travailleurs sont moins aptes à organiser leur participation aux processus de prise de décision. Pour que la santé des travailleurs soit protégée, tout en maintenant une activité économique compétitive, les informations sur les processus de production auxquels ils participent doivent leur être accessibles (étiquetage), les points de vue et les problèmes de chaque acteur doivent être connus et pris en compte, de même que les apports intellectuels des scientifiques et des techniciens (recherche technologique et médicale).

1.3.10 Consommation de tabac

Définition

La nicotine présente dans le tabac est une drogue créant une dépendance particulièrement forte du consommateur. Le tabac est reconnu comme la cause connue ou probable de 25 maladies. En moyenne, la vie des non-fumeurs est de 8 ans plus longue que la vie des fumeurs. La consommation de tabac est en croissance dans le monde, cette croissance se portant principalement sur les consommateurs les plus pauvres (ceux qui sont les plus pauvres dans un pays riche et ceux qui vivent dans les pays les plus pauvres), ainsi que sur les femmes et les jeunes. Ces derniers commencent à fumer de plus en plus tôt. La proportion de fumeurs est ainsi plus élevée dans les parties les plus pauvres de la population belge. Ceux-ci allouent à leurs dépenses en tabac et en soins de santé une part proportionnellement plus élevée de leurs revenus. Sponsoring de manifestations publiques, publicités visant les jeunes, distributions gratuites, manipulation des données scientifiques et de l'information sur les dangers de la consommation de tabac10 sont les méthodes utilisées par les compagnies de tabac pour attirer de nouveaux consommateurs et leur cacher les dangers qu'ils courent.

Exemple de conflits

Les intérêts économiques de la consommation de tabac entrent en conflit avec les intérêts sociaux et environnementaux. La consommation de tabac a en effet trois composantes. La composante sociale est, d'une part, le plaisir de fumer mais aussi, d'autre part, la dégradation de la santé. La composante économique de cette problématique touche à la fois aux activités du secteur du tabac (production et distribution), de la santé et aux finances publiques. La consommation de tabac profite non seulement au secteur producteur mais aussi aux recettes de l'État via la fiscalité indirecte, alors que des effets économiques en sens divers sont observés, notamment sur la sécurité sociale, suite aux maladies et décès. Quant à la composante environnementale, elle concerne les impacts de la consommation de tabac sur les conditions de vie (à la maison, au travail, dans les lieux publics) des non-fumeurs. La consommation de tabac sous forme de cigarette nuit en effet à la santé de l'entourage des fumeurs à cause des produits toxiques dégagés par la combustion de tabac.

Exemple de principe de développement durable

Principe d'équité: une vision à long terme montre que les coûts du tabagisme actuels seront largement supportés par la génération suivante puisque le délai d'apparition des maladies est de 25 à 30 ans, y compris pour les personnes vivant avec les fumeurs. Les nouveaux fumeurs, que la publicité présente comme plus adultes, modernes et sensuels que les non-fumeurs, contribuent au fonctionnement actuel du capital économique mais sont responsables de prélèvements à venir sur les capitaux économiques publics (sécurité sociale) et privés (familles, entreprises). Dans le cas des familles aux faibles revenus, les dépenses en tabac et en soins de santé liées aux maladies et/ou à la mort des fumeurs ont un impact sur la part du budget familial allouée à la nourriture, l'éducation et la santé de leurs enfants. De tels coûts sociaux collectifs et individuels peuvent ainsi se propager de génération en génération. Parvenir à assurer plus d'équité intra- et intergénérationnelle via des modifications dans la consommation de tabac est donc un travail de longue haleine. L'aide au sevrage, les campagnes de sensibilisation, les modifications de la fiscalité, l'arrêt de la publicité n'ont qu'à long terme des effets sur la santé publique.

1oecd (2001). oecd Environmental Outlook. Paris: oecd.

2Research Directorate-General (2001). Sustainable Production. Challenges and Objectives for eu Research Policy. Bruxelles: European commission.

3"So prevention is a more comprehensive and socially complex process than compliance, necessitating significant employee involvement, cross disciplinary coordination and integration, and forward-thinking managerial style". (Fouts A. P., Russo V. M. (1997). A resource-based perspective on corporate environmental performance and profitability. Academy of Management Journal 1997, Vol 40, N°3,534-559). Traduction: "La prévention est un processus global et complexe sur le plan sociétal nécessitant une implication effective des employés, une intégration et coordination entre les disciplines et un système de gestion basé sur la pensée prospective".

4Cette thématique n'est pas abordée dans Action 21, ni dans le plan fédéral belge de développement durable.

5Exemple: une étude menée par la cbc comparant 3 indices éthiques, dont un indice constitué sur le registre d'investissement d'Ethibel, à leur benchmark montre que "le rendement moyen des investissements durables a été significativement plus élevé pendant la période 1996-2000. Le surplus de rendement que les indices durables présentent par rapport à leur benchmark respectif s'est cependant accompagné d'un risque plus élevé."

6Le secteur de la récupération de déchets offre déjà à cet égard des enseignements intéressants.

7C'est à dire le matériel d'origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l'hérédité.

8Définition du Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques (http://www.biodiv.org/biosafety/protocol.asp?lg=2). Selon ce même protocole, la "Biotechnologie moderne" se définit comme l'application:

8 i) "de techniques in vitro aux acides nucléiques, y compris la recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (adn) et l'introduction directe d'acides nucléiques dans des cellules ou organites,"

8 ii) "de la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une même famille taxonomique, qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison et qui ne sont pas des techniques utilisées pour la reproduction et la sélection de type classique."

9eea (2000). Are we moving in the right direction ? Indicators on transport and environmental integration in the eu. term 2000. Copenhagen: eea.

10who (2000). Site de la Tobacco Free initiative. "Indeed, the documents reveal industry subversion of not only the scientific but also the political process all over the world." http://www5.who.int/tobacco/page.cfm?pid=48.

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