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3.2 Objectifs politiques pour les dix problématiques

Ce chapitre évalue les objectifs des politiques relatives aux dix problématiques qui ont été présentées dans le chapitre 1.3. Pour comprendre ces objectifs politiques, des documents de base relatifs à la politique de développement durable et aux autres politiques ont été étudiés, tant en ce qui concerne la Belgique fédérale que l'ue et le niveau mondial. La section 3.2.1 présente une vue d'ensemble de ces documents ainsi que la méthode d'évaluation utilisée. Sur base des documents étudiés, la section 3.2.2. décrit les objectifs politiques. La section 3.2.3 évalue ces objectifs en examinant s'il existe une cohérence et une hiérarchie entre eux.

3.2.1 Méthode d'évaluation

L'évaluation des objectifs politiques est basée sur la lecture et l'analyse méticuleuses d'un grand nombre de documents politiques pour étudier le niveau de cohérence et de hiérarchie entre les objectifs.

3.2.1.1 Évaluation des objectifs

Les objectifs jouent un rôle important dans la politique. Ils indiquent ce que les responsables politiques veulent réaliser. Les objectifs sont également importants pour l'évaluation d'une politique. En effet, pour évaluer une politique, on peut entre autres vérifier si les objectifs ont été atteints. Sans objectifs précis, une telle vérification reste une tâche extrêmement difficile, voire impossible. Cependant, l'ambition de ce chapitre ne va pas si loin. Elle reste limitée à une évaluation des objectifs eux-mêmes.

Afin d'évaluer les objectifs politiques, il a été examiné s'il existe une cohérence entre les objectifs et s'il y a une hiérarchie entre eux. La recherche a été effectuée sur base d'un grand nombre de documents politiques (voir 3.2.1.2). Deux types de cohérence entre objectifs ont été examinés, d'abord entre niveaux politiques puis entre domaines politiques. La présence de mêmes objectifs à différents niveaux de pouvoir est une forme de cohérence facile à évaluer. La cohérence entre les différents domaines politiques et à l'intérieur de ceux-ci est plus difficile à évaluer parce qu'il faut tenir compte des conséquences des mesures nécessaires à la réalisation des objectifs. Il en résulte des imprécisions, tant en ce qui concerne les mesures elles-mêmes qu'en ce qui concerne leurs effets. Quelques exemples concrets montrent bien que la politique poursuit parfois des objectifs contradictoires. Un ordre ou une hiérarchie des objectifs a également été recherchée dans les documents politiques.

3.2.1.2 Documents politiques examinés

Tant des documents de base sur la politique de développement durable que d'autres documents politiques spécifiques ont été examinés et comparés pour trois niveaux politiques: les niveaux fédéral, européen et mondial. Le document de base sur la politique de développement durable pour la Belgique fédérale est le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 qui a été approuvé en juillet 2000. Pour l'ue, il s'agit de la stratégie de développement durable que les chefs d'État et de gouvernement ont adoptée au cours du Conseil européen de Göteborg en juin 2001. Au niveau mondial il s'agit de documents des Nations unies (onu): Action 21 de juin 1992, le Programme pour la suite de la mise en œuvre du plan d'Action 21 de juin 1997 et les conclusions annuelles de la Commission du développement durable.

Les objectifs politiques ont également été recherchés dans d'autres documents politiques fédéraux: La voie vers le xxie siècle (l'accord gouvernemental du 7 juillet 1999), la déclaration gouvernementale du 14 juillet 1999, les déclarations politiques annuelles du gouvernement lors de l'ouverture des sessions parlementaires1 et les notes de politique générale pertinentes pour les années budgétaires de 1998 à 2002 incluses. Outre la Constitution belge, un certain nombre de plans d'actions spécifiques et d'accords de coopération avec les Régions et les Communautés ont également été analysés.

Pour ce qui est de l'ue, ce sont principalement les conclusions des Conseils européens situés entre le 1 juillet 1998 et le 31 décembre 2001 qui ont été étudiées2. Des documents pertinents du conseil de l'ue de cette même période c'est-à-dire des documents des conseils ministériels (dont la composition diffère selon le sujet) ont été examinés. Pour le niveau mondial, ce sont des accords conclus par la Belgique et des décisions des conférences des Nations unies qui ont été analysés.

3.2.2 Objectifs politiques fédéraux et supranationaux pour chaque problématique

Sur base des documents politiques analysés, ce point vise à présenter un aperçu des objectifs politiques fédéraux et supranationaux pour chacune des dix problématiques de développement durable étudiées. Cet aperçu est loin d'être complet. Il ne traite ni de l'ensemble des objectifs ni de tous les détails. De plus, la mention d'un document ne signifie pas nécessairement qu'il est le premier ou le seul à reprendre un objectif spécifique.

3.2.2.1 Stratégies de production des entreprises

Les documents de politique fédérale examinés ne reprennent pas d'objectifs explicites quant aux stratégies de production des entreprises. Cependant, le gouvernement a annoncé dans l'accord gouvernemental de 1999 qu'il soutiendra la recherche de produits et de techniques peu polluants. Une telle recherche pourrait avoir des effets significatifs pour les modes de production des entreprises. En outre, les décideurs politiques plaident de plus en plus pour une entreprise socialement responsable (voir également 3.2.2.2), ce qui influence également les modes de production des entreprises. Globalement, de très nombreuses décisions politiques ont une influence sur les modes de production - par exemple les impôts, le travail et l'environnement - et ceci à plusieurs niveaux politiques.

Plusieurs documents politiques supranationaux font référence à l'éco-efficacité comme stratégie pour rendre la production plus durable. Ainsi, en juin 2001 les ministres de l'Environnement de l'ue ont annoncé: "Le but à long terme doit être de disposer de produits qui soient hautement efficaces du point de vue des matériaux et de l'énergie, qui ne contiennent pas de substances pouvant entraîner, pendant le cycle de vie de ces produits, des effets néfastes pour la santé des personnes et l'environnement ou n'exigent pas l'utilisation de telles substances3". Le conseil Industrie du 29 avril 1999 a mentionné l'éco-efficacité dans ses conclusions sur l'intégration de considérations environnementales et de développement durable dans la politique industrielle de l'ue. Au niveau mondial, les Nations unies considèrent l'éco-efficacité comme un instrument important pour réaliser une production plus durable, entre autres dans le Programme pour la suite de la mise en œuvre de l'implémentation du plan d'Action 21 de juin 1997 (n° 28).

3.2.2.2 Financement éthique des entreprises

Le financement éthique des entreprises est traité dans quelques documents politiques fédéraux. Selon le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 (§ 622), le Groupe de travail interdépartemental sur la réforme "verte" de la fiscalité doit étudier si et comment les impôts peuvent contribuer à un développement durable, entre autres en stimulant des fonds de placement éthiques. La note de politique générale du ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l'Environnement pour l'année budgétaire 2001 appelle les fonds de placement éthiques "un moyen essentiel pour développer et soutenir l'économie sociale dans le cadre le plus large de l'esprit d'entreprise socialement responsable" (p. 43). La note de politique générale Intégration sociale et Économie sociale 2002 annonce également des propositions pour soutenir, dans le cadre de l'économie sociale, des produits financiers éthiques, tant des placements que des octrois de crédit (p. 37).

Dans son cinquième Programme communautaire d'action pour l'environnement, l'ue a déjà posé que "Les institutions financières qui endossent les risques inhérents aux sociétés et installations ont aussi la possibilité d'exercer une influence considérable - dans certains cas, un contrôle - sur les éventuelles décisions d'investissement et de gestion favorables à l'environnement."4 Au niveau mondial, la Commission de développement durable des Nations unies est d'avis que les gouvernements et les organisations internationales doivent, en coopération avec les grands groupes sociaux, réaliser des études sur le rôle du secteur financier quant à la consommation et la production durables5.

3.2.2.3 Économie sociale

L'économie sociale est un instrument destiné, entre autres, à réduire la pauvreté. Le 4 juillet 2000, l'État fédéral, les Régions et la Communauté germanophone ont signé un Accord de coopération relatif à l'économie sociale. L'accord vise à soutenir les initiatives d'économie sociale, les entreprises socialement responsables et les services de proximité. Ce faisant, les gouvernements concernés veulent réaliser deux objectifs concrets. Le premier est le doublement de l'emploi dans l'économie sociale au cours de la législature. Le second est la représentation égale des minimexés et des bénéficiaires d'un soutien financier dans les programmes d'embauche et dans les systèmes de chômage et d'assistance.

Dans de nombreux documents de l'ue, l'économie sociale est considérée comme un instrument destiné à créer de l'emploi, bien que souvent le terme d'économie sociale ne soit pas explicitement mentionné. Ceci vaut également au niveau mondial où les documents présentent souvent des objectifs et des mesures qui correspondent à la définition de l'économie sociale, mais sans que celle-ci soit explicitement mentionnée. Dans le document final du Sommet social +5 qui s'est déroulé en 2000, l'onu propose par exemple d'utiliser la politique de l'emploi pour réduire la pauvreté6.

3.2.2.4 Utilisation des technologies de l'information
et de la communication

Dans l'accord gouvernemental de 1999 sous le sous-titre Une administration efficace et attentive le gouvernement annonce qu'il utilisera les technologies de l'information et de la communication (tic). A cet égard la création d'"un guichet numérique accessible à tous" constitue un objectif concret. Le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 mentionne à maintes reprises l'importance de l'information et de la communication, mais sans traiter à proprement parler des tic. Le Plan d'Action national d'Inclusion Sociale pour la période 2001-2003 (5.6.2.e) signale une nouvelle fracture entre ceux qui ont accès aux tic et ceux qui ne l'ont pas. Ce plan annonce également des actions pour stimuler les aptitudes aux tic et demande de prêter une attention particulière à l'accès des femmes aux nouvelles technologies. Dans sa note de politique générale pour l'année budgétaire 2002 (pp. 7-8), le service public fédéral Technologie de l'information et de la communication est d'avis qu'il faut éviter la fracture numérique.

Supprimer cette fracture est également un objectif de l'ue. Ainsi, lors du Conseil européen de Santa Maria da Feira (en juin 2000), les chefs d'État et de gouvernement ont approuvé le plan d'action e-Europe 2002. Ils ont également demandé de "préparer des perspectives à plus long terme pour une économie fondée sur la connaissance, qui favorise l'intégration par les technologies de l'information et comble la fracture numérique" (n° 22). Selon les chefs d'État et de gouvernement, il faudra à court terme réduire les frais d'accès à Internet. Au niveau mondial, les documents politiques marquant l'importance de l'information et de la communication sont nombreux.

3.2.2.5 Pêche et diversité biologique en milieu marin

L'accord gouvernemental de 1999 ne reprend pas d'objectifs concernant la pêche et la diversité biologique du milieu marin, ce que fait par contre le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 (§ 321-326). Ces objectifs sont, entre autres, de réduire les émissions de substances dangereuses de sorte que leur concentration dans le milieu marin diminue et de rendre la pêche compatible avec une gestion durable des stocks de poisson.

De tels objectifs font partie de la stratégie de développement durable de l'ue. Ainsi la préservation de la diversité biologique est reprise dans les conclusions du Conseil européen de Göteborg des 15 et 16 juin 2001. En particulier, les chefs d'État et de gouvernement se sont mis d'accord sur le fait "que le réexamen de la politique commune de la pêche en 2002 devrait, sur la base d'un vaste débat politique, aborder le problème de la pression globale exercée sur les ressources de pêche en adaptant l'effort de pêche de l'ue aux ressources disponibles, tout en tenant compte des répercussions sociales et de la nécessité d'éviter la surpêche" (n° 31). En outre, le conseil européen Pêche du 18 juin 2001 a adopté des conclusions sur le Plan d'action en faveur de la diversité biologique dans le domaine de la pêche. Les ministres de la Pêche ont entre autres déclaré "qu'il importe de [...] assurer davantage de durabilité au secteur de la pêche" (n° 6). Ceci s'inscrit dans la ligne d'Action 21 (chapitres 15 et 17), de la Convention sur la diversité biologique et de plusieurs autres documents politiques internationaux.

3.2.2.6 Utilisation de plantes génétiquement modifiées

Dans l'accord gouvernemental de 1999, le gouvernement annonce que, dans le cadre de l'utilisation d'organismes génétiquement "manipulés", il appliquera le principe de précaution et fait explicitement référence à l'ue. Selon le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 les organismes génétiquement "modifiés" peuvent contribuer à une plus grande et meilleure production dans l'agriculture et l'élevage et à une meilleure santé publique. Cependant, il y a aussi des risques. L'application du principe de précaution est donc très importante (§ 349, 361 et 367).

Entre-temps, l'ue a adopté le 12 mars 2001 une directive relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environ-nement7. L'objectif de cette directive est l'uniformisation des législations des Etats membres de l'ue afin de "protéger la santé humaine et l'environnement" (article 1). Au niveau mondial enfin, Action 21 contient un chapitre sur la biotechnologie. Celle-ci "contribuera, par exemple, à améliorer les soins de santé, renforcer la sécurité alimentaire par des pratiques agricoles non destructrices, faciliter l'approvisionnement en eau potable, favoriser la mise au point de procédés industriels plus efficaces de transformation des matières premières, permettre des méthodes viables de boisement et de reboisement et détoxiquer les déchets dangereux" (n° 16.1).

En 2000, la Belgique signait le Protocole de Cartagène sur la prévention des risques biotechnologiques. Ce texte se réfère au principe de précaution et a pour but de: "contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables [...]" (art. 1).

3.2.2.7 Production et consommation d'énergie

Le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 reprend plusieurs objectifs concernant une politique énergétique durable. En premier lieu, en 2010 la Belgique devra avoir réduit sa consommation d'énergie de 7,5% par rapport à 1990 (§ 391). En second lieu, le gouvernement doit contribuer au développement d'une énergie moins polluante ou renouvelable (§ 392-395). En troisième lieu, le gouvernement doit renoncer à l'énergie nucléaire en désactivant les centrales nucléaires dès qu'elles auront atteint 40 ans (§ 396). Des objectifs supplémentaires sont: la sécurité d'approvisionnement en matière d'énergie, l'accès pour tous à une fourniture énergétique minimale, la protection du consommateur et de l'environnement et des prix compétitifs (§ 397).

Le Conseil européen plaide en faveur de l'utilisation de nouvelles technologies moins polluantes dans le secteur énergétique et veut dissocier la croissance économique de l'utilisation des ressources8. A l'horizon 2010, l'ue veut produire 22% de la consommation énergétique en partant de ressources énergétiques durables (idem, n° 28). Les documents politiques mondiaux contiennent également des objectifs en matière d'énergie. Ainsi, la cdd 9 s'est prononcée pour qu'une part plus importante d'énergie provienne de ressources renouvelables, pour une amélioration de l'efficacité énergétique et pour une utilisation accrue des technologies énergétiques avancées9.

3.2.2.8 Mobilité et transport des personnes

L'accord gouvernemental de 1999 signale les effets négatifs de la croissance permanente du transport routier (embouteillages, pollution de l'air, nuisance sonore, consommation d'énergie, accidents et détérioration des infrastructures). Le gouvernement annonce qu'il s'attaquera à ces problèmes par une politique de mobilité intégrée. En vertu du Plan fédéral de développement durable 2000-2004 (§ 445-451), la Belgique doit élaborer un plan de mobilité national qui comporte deux grands objectifs. En premier lieu, le secteur du transport devrait réduire ses émissions de co2 de 5% à l'horizon de 2010 par rapport aux émissions en 1990. A cet effet, le passage de l'automobile vers d'autres moyens de transport devra occuper une place centrale dans la politique. La sécurité routière devra constituer le deuxième grand objectif de la politique national des transports. La note de politique générale Transports et infrastructure contient des objectifs de fluidité du trafic (1999 et 2001) et de maîtrise de la croissance des déplacements (2000).

Le transport durable est également une priorité dans la stratégie de développement durable de l'ue. Les chefs d'état et de gouvernement de l'ue sont d'avis que la politique devra stimuler l'internalisation complète des frais sociaux et d'environnement des transports. L'ue plaide dès lors pour que la croissance des transports "soit nettement dissociée" de la croissance du pib10. Au niveau mondial, Agenda 21 mentionne des objectifs pour les transports dans le cadre de la planification urbaine (n° 7.52) et de la protection de l'atmosphère (chapitre 9, B.2).

3.2.2.9 Santé au travail

Suivant l'article 23 de la Constitution belge chacun a droit à des conditions de vie dignes. Cela implique entre autres "le droit à [...] la protection de la santé et [...] à la protection d'un environnement sain". Le même article mentionne également le droit au travail. Le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 contient quelques objectifs concernant la santé au travail. Ainsi le gouvernement souhaite une réduction des maladies respiratoires, des maladies allergiques, des cancers et des accidents de travail (§ 244-247).

Au niveau de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, l'ue joue un rôle important. Il existe de nombreuses législations européennes fixant des objectifs et des actions spécifiques à cet égard. Au niveau mondial, notamment pour l'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale de la santé, la santé des travailleurs constitue un objectif important. En général, tous les niveaux politiques sont d'avis qu'il faut plus d'information et que les risques doivent être réduits, mais la politique ne s'intéresse que rarement en même temps à la protection de l'environnement et à la santé au travail.

3.2.2.10 Consommation de tabac

Dans sa note politique sur les drogues du 19 janvier 2001, le gouvernement traite tant les drogues illégales que légales. Le tabac appartient à cette dernière catégorie. La note pose que la prévention de l'usage du tabac est nécessaire et signale que le gouvernement fédéral est compétent pour prendre un certain nombre de mesures afin de "réduire la consommation de tabac". Le gouvernement annonce que des moyens supplémentaires seront libérés en faveur de la lutte contre le tabagisme. Il annonce également que la ministre de la Santé publique continuera à développer cette problématique dans une note spécifique sur la politique anti-tabac. Dans sa note politique pour l'année budgétaire 2002, la ministre annonce entre autres qu'elle créera un fonds pour la lutte contre le tabac. Selon cette même note, la protection des non-fumeurs constitue également un objectif de la politique puisque la fumée de tabac est également nocive pour leur santé.

L'ue lutte également contre le tabagisme. Ainsi la directive concernant le tabac impose plusieurs règles afin de réduire le nombre des fumeurs et rendre la consommation de tabac un peu moins nocive11. De plus, le conseil Santé publique de l'ue du 5 juin 2001 a exprimé son soutien pour la Convention-cadre sur la lutte anti-tabac (Framework Convention on Tobacco Control) élaborée par l'Organisation mondiale de la santé. Le conseil a entre autres signalé que "la protection de la santé publique est l'objectif de la convention-cadre".

3.2.3 Évaluation des objectifs politiques fédéraux

Pour évaluer les objectifs politiques il a été examiné s'il existe une cohérence et une hiérarchie entre eux.

3.2.3.1 Cohérence entre les niveaux et les domaines politiques

La description des objectifs politiques (voir 3.2.2) fait apparaître que pour chaque problématique il existe une grande cohérence entre les différents niveaux politiques. Les documents politiques fédéraux présentent à peu près les mêmes objectifs que les documents de l'ue et du niveau mondial. Dans ce sens, il existe une cohérence entre ces trois niveaux. Les objectifs que la Belgique a élaborés et auxquels elle a souscrit au niveau international sont répercutés dans la politique fédérale. Ceci peut apparaître comme allant de soi, mais cette transition exige du temps et des efforts.

Les documents démontrent également que le gouvernement recherche la cohérence entre les politiques, tant pour ce qui est des niveaux politiques que des thèmes. Le Plan d'action nationale d'inclusion sociale pour la période 2001-2003 en est un exemple. Ce plan vise à stimuler l'inclusion sociale et à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le gouvernement fédéral et les gouvernements des Communautés et des Régions ont élaboré le plan ensemble pour faire concorder les différents niveaux politiques. Le plan vise également la cohérence entre les domaines politiques. Il contient des mesures concernant tant le revenu que l'emploi, le logement, l'enseignement et la santé. Selon le communiqué de presse du 1 juin 2001 du ministre fédéral de l'Intégration sociale, trente ministres ont collaboré à ce plan d'action.

3.2.3.2 Tensions et conflits

Il est difficile de savoir si les objectifs nombreux et très variés des différents domaines politiques et problématiques sont cohérents entre eux. Autrement dit: existe-t-il une cohérence entre ces objectifs ou est-ce que certains objectifs sont contradictoires ? Logiquement, les objectifs repris dans les différents documents politiques examinés ne s'excluent pas mutuellement. Il n'a pas été observé de cas dans lesquels le gouvernement vise un certain objectif à un endroit et le contraire ailleurs. Mais pratiquement, il existe au moins une tension entre les objectifs puisque les décideurs politiques peuvent vouloir réaliser en même temps plus qu'il n'est possible. Les moyens disponibles, tant en personnel qu'en finances, sont restreints et limitent les réalisations possibles. C'est la raison pour laquelle le fait de gouverner suppose toujours de faire des compromis et des choix pour définir un programme qui soit acceptable pour toutes les parties. Les six partis de gouvernement ont appelé l'accord gouvernemental de 1999 "un projet cohérent". Cela signifie vraisemblablement qu'ils estiment l'ensemble de l'accord dans son ensemble comme un équilibre acceptable entre le grand nombre d'objectifs en compétition pour les moyens.

Le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 parle de conflits (à court terme) entre les objectifs sociaux, environnementaux et économiques d'un développement durable (§ 67). La politique de l'énergie en livre deux exemples. Le premier est que la sortie du nucléaire est en opposition avec les objectifs de réductions d'émissions de co2. Le gouvernement est conscient de ce problème et a décidé de faire une note à ce sujet. Cette note devait être terminée pour la mi-2001 (pfdd § 396), mais au 31 décembre 2001, rien n'avait paru. Le second est la baisse des tarifs de l'énergie et de l'électricité qui constitue un objectif dans l'accord gouvernemental de 1999 (dans le chapitre Mobilité et développement durable), qui est en contradiction avec l'objectif de réduire la consommation énergétique (voir également 3.2.2.7). Le plus souvent une baisse des prix mène à une consommation plus élevée. Le gouvernement reconnaît ce problème, ce qui est rappelé dans le Plan, dans lequel le gouvernement déclare qu'il mènera une politique de prix encourageant l'utilisation rationnelle de l'énergie (§ 403-406), ce qu'il a aussi annoncé dans l'accord gouvernemental.

De même, en ce qui concerne la politique relative aux transports et à la mobilité (voir 3.2.2.8), des objectifs qui semblent de prime abord complémentaires se révèlent contradictoires dans la pratique. La politique s'efforce par exemple de tendre vers plus de fluidité du trafic, tout en cherchant à diminuer la croissance du volume des déplacements et la pollution de l'air qu'ils provoquent. Mais si la fluidité du trafic augmente, le nombre d'utilisateurs risque de croître, augmentant ainsi le volume du trafic et les nuisances qui y sont associées. Il est donc contradictoire d'espérer accroître la fluidité du trafic d'un côté et de diminuer le volume du trafic et ses émissions de l'autre. Afin de concilier ces différents types d'objectifs, il est nécessaire de prendre des mesures spécifiques aux différents moyens de transport.

Un autre exemple de conflits entre les objectifs est rencontré dans les politiques en relation avec le tabac. D'une part, il y a une grande unanimité sur les effets négatifs de l'usage du tabac pour la santé. La lutte contre le tabagisme est un objectif qui se retrouve d'ailleurs à tous les niveaux de pouvoir (voir 3.2.2.10). Mais d'autre part, les autorités subsidient la production de tabac. L'Union européenne offre des primes pour les cultivateurs de tabac, sous certaines conditions. Le but principal de ces primes est la protection de l'emploi et du revenu des cultivateurs. L'ue offre d'ailleurs aussi des primes aux cultivateurs qui abandonnent la culture du tabac.

Le fait est que peser le pour et le contre de différents objectifs - et des intérêts qui leur sont associés - occupe souvent une place centrale dans la politique et apparaît également dans quelques études de cas présentées en 3.3. Ainsi, une politique intégrée de produits vise à rendre les activités économiques moins nuisibles pour l'environnement (voir 3.3.2.1). Dans le cas des certificats d'électricité verte, les décideurs politiques s'efforcent de faire mieux concorder les objectifs économiques et environnementaux (voir 3.3.2.3). Dans le cas de la création d'un label de qualité sociale (voir 3.3.2.7) et de l'interdiction de la publicité pour le tabac (voir 3.3.2.9), il s'agit d'équilibres entre les objectifs économiques et sociaux.

3.2.3.3 Nombreuses priorités

Sur base des documents politiques analysés, il est difficile de se prononcer sur une hiérarchie entre les objectifs pour les dix problématiques. Il n'est pas vraiment possible d'y discerner un classement des objectifs sur base de leur importance. Ils montrent plutôt une image d'objectifs placés côte à côte. Tant dans l'accord gouvernemental de 1999 que dans les déclarations politiques annuelles du gouvernement figurent beaucoup de "priorités". Le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 contient aussi un grand nombre de ces priorités.

Les objectifs et les actions qui y sont associées pourraient peut-être être classés sur base des moyens mis à disposition par le gouvernement. Un tel classement serait une première indication de l'importance que le gouvernement accorde aux différents objectifs et actions.

A défaut d'un bilan précis des chiffres concernant les moyens disponibles, il peut être conclu, en ce qui concerne la position relative des objectifs, qu'en général, les objectifs économiques ont la priorité, suivis par les objectifs sociaux et les objectifs environnementaux. C'est ainsi que le cfdd, dans son Avis sur l'avant-projet de plan fédéral de développement durable 2002-2004, a nommé les piliers social et environnemental "les composantes les plus faibles", pour lesquelles des "mouvements de rattrapage" peuvent s'avérer nécessaires12. Qu'au début 2002, le gouvernement ait affirmé que "le traitement des problèmes socio-économiques constituera donc le principal objectif du gouvernement", va dans le même sens13. Cet avis général ne signifie bien entendu pas qu'il n'arrive jamais que les responsables politiques tiennent compte, simultanément et dans la même mesure, des objectifs économiques, sociaux et environnentaux.

3.2.4 Conclusion

L'évaluation des objectifs politiques dans le cas de dix questions de développement durable a mené à certaines conclusions. En premier lieu, les objectifs sont cohérents entre les niveaux politiques et le gouvernement cherche à maintenir la cohérence entre les objectifs des divers domaines politiques (voir 3.2.3.1). En deuxième lieu, il y a des tensions entre les objectifs; dans certains cas il s'agit même de conflits (voir 3.2.3.2). En troisième lieu, les objectifs pour les dix problématiques ne sont pas présentés dans un ordre hiérarchique, mais les uns à côté des autres (voir 3.2.3.3).

1Les 12 octobre 1999, 17 octobre 2000 et 9 octobre 2001.

2Les chefs d'État et de gouvernement se sont réunis en décembre 1998 à Vienne, en mars 1999 à Berlin, en juin 1999 à Cologne, en octobre 1999 à Tampere, en décembre 1999 à Helsinki, en mars 2000 à Lisbonne, en juin 2000 à Santa Maria da Feira, en décembre 2000 à Nice, en mars 2001 à Stockholm, en juin 2001 à Göteborg, en septembre 2001 à Bruxelles et en décembre 2001 à Laeken.

3Conseil Environnement de l'Union du 7/6/2001. Conclusions sur la politique de production intégrée, n° 8.

4Programme communautaire de politique et d'action pour l'environnement et le développement durable et respectueux de l'environnement, Journal officiel des Communautés européennes n° c138, 17/5/1993.

5Septième session, 1999, Décision 7/2, n° 12.b.

6 onu (2000). Further initiatives for social development. a/res/s-24/2; iii, 27, g.

7Directive 2001/18/ce relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/cee du Conseil.

8Conclusions du Conseil européen de Göteborg, 15 et 16/6/2001, n° 21.

9cdd (2001). 9ième session, Décision 9/1, n° 4.

10Conclusions du Conseil européen de Göteborg, 15 et 16/6/2001, n° 29.

11Directive 2001/37/ce relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac.

12Conseil 2000-2002 du 4/4/2000, § n° 3 iii et 15.

13Conseil des Ministres du 18/1/2002; Note de priorités économiques et sociales 2002-2003.

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